Détention provisoire : la crise sanitaire ne justifie pas à elle seule la mise en liberté
Les conditions de détention, déjà bien détériorées en raison de la surpopulation subie par les lieux de privation de liberté depuis plusieurs années, pâtissent nécessairement et malheureusement du contexte sanitaire lié à l’épidémie mondiale du Covid-19. Comment concilier distanciation sociale, et plus largement gestes barrières, dans des lieux où le quotidien est rythmé par la proximité entre codétenus ? C’est impossible.
Partant, de nombreuses demandes de mise en liberté émanant de personnes en détention provisoire ont été soumises au Juge des libertés et de la détention. Pour autant, ces demandes de mise en liberté ont été rejetées. Suite à une confirmation d’ordonnance de rejet, un détenu a formé un pourvoi en cassation. La Chambre criminelle de la Haute Juridiction a rendu un arrêt le 19 août dernier[1], confirmant ce rejet.
Le 19 mars 2020, un détenu a saisi le juge d’instruction d’une demande de mise en liberté. Celle-ci lui a été refusée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 24 mars 2020. Un appel a été interjeté, la chambre d’instruction confirmant l’ordonnance de rejet.
Le détenu s’est alors pourvu en cassation, invoquant notamment le droit à la vie en ce que le juge des libertés et de la détention a l’obligation de veiller à ce que la détention provisoire soit, peu importe les circonstances, mise en œuvre dans des conditions dignes, notamment à ce que la mesure de privation de liberté soit exempte de toute traitement inhumain et dégradant.
En découle, selon le demandeur, que la détention provisoire en pleine crise sanitaire liée à l’épidémie du Covid-19 dans un établissement pénitentiaire surpeuplé à hauteur de 124,6% « impliquant une grande promiscuité et où il n’est notamment pas possible de bénéficier ni de respecter les mesures de distanciation sociale et les gestes barrières imposés par les autorités », l’expose à un risque sanitaire très élevé et constituant un traitement inhumain et dégradant.
Le demandeur reprochait à l’arrêt attaqué de ne pas avoir su prendre en considération ses conditions personnelles de détention particulièrement indignes et constitutives d’un mauvais traitement en raison d’un risque élevé pour sa santé et sa sécurité en période de crise pandémique.
La Cour de cassation rejette purement et simplement le pourvoi. Elle retient d’une part qu’il n’appartenait pas à la Chambre de l’Instruction de vérifier les conditions de détention du détenu, ce dernier ne rapportant pas la preuve suffisamment crédible, précise et actuelle des conditions de détention dans lesquelles il se trouvait.
En d’autres termes, la Cour de cassation affirme que la situation sanitaire liée à la pandémie, qui affecte tous les citoyens français, « ne saurait transformer, en soi, une mesure de sûreté et notamment la détention provisoire décidée en conformité avec les textes internes et les conventions qui lient la France en un traitement inhumain et dégradant ou une atteinte au droit à la vie tel que visés par les articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. »
Par ailleurs, la Chambre criminelle de la Haute Juridiction rejetait l’atteinte à la vie alléguée par le demandeur, celui-ci n’ayant pas démontré que sa vie était exposée à un risque réel et imminent en raison de ses conditions personnelles de détention dans le contexte de l’épidémie de Covid-19.
Si l’on comprend en soi que la crise sanitaire ne peut donner lieu à la mise en liberté des détenus, l’interrogation qui subsiste est bien plus profonde et systémique…
[1] Crim., 19 août 2020, n°20-82.171